Raymond Barre : un magot en Suisse ? Pourquoi ça peut faire des remous
L'ancien Premier ministre Raymond Barre aurait dissimulé une partie de sa fortune en Suisse pendant des années rapporte le Canard Enchaîné. Au moment de régulariser la situation, sa famille aurait fait une demande particulière au fisc.
[Mis à jour le 3 juillet 2019 à 17h14] "A côté, Jérôme Cahuzac fait presque figure de petit joueur", s'amuse Le Canard Enchaîné. L'hebdomadaire révèle ce mercredi 3 juillet des informations pour le moins compromettantes sur l'ex-ministre des Finances et Premier ministre Raymond Barre. Cet homme qui s'était construit l'image du politique intègre, rigoureux, qui incarnait l'orthodoxie et ce bon sens qui sied à l'économiste qui gère son argent en bon père de famille aurait dissimulé 11 millions de francs suisses au fisc français. Soit l'équivalent d'environ 6,8 millions d'euros en 2007 lors de son décès.
"Raymond Barre : le fisc au courant", dit le Canard Enchaîné
Le Canard Enchaîné précise que le pot aux roses a été révélé en 2013, par l'envoi d'une capture d'écran au fisc, prise par un informateur anonyme. Sur celle-ci, on aurait pu voir un extrait du réseau interne de la banque Crédit Suisse, où figurent le nom de Raymond Barre ainsi que deux mentions manuscrites : le numéro de compte et la somme de 11 millions de francs suisses. Un montant "confirmé depuis par les enquêteurs" précise l'hebdomadaire. Ce signalement à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a conduit Bruno Bézard, son ancien directeur, a saisir le parquet national financier. La famille de l'ancien locataire de Matignon aurait hérité de ce "magot" sans en faire mention au fisc français.
Raymond Barre : l'argent suisse, une affaire qui commence à peine ?
Suite au signalement de 2013, un "examen de la situation fiscale personnelle" des héritiers de Raymond Barre aurait été demandé. L'hebdomadaire révèle par ailleurs que l'avocat des enfants de Raymond Barre ont entamé des négociations avec le Fisc cette année-là : tout serait très rapidement régularisé, avec pénalités ; en échange le Fisc ne ferait pas peser la menace de poursuites pénales.
L'avocat de la famille Barre aurait même tout fait pour que les conversations avec le Trésor public demeurent secrètes, avec la crainte que l'affaire crée un scandale. "Il y a une personnalité toujours en vie qui pourrait être éclaboussée par cette affaire si l'existence du compte suisse était révélée", aurait-il avancé en 2013. Le Canard laisse entendre que le message est bien passé à l'époque. La Commission des infractions fiscales n'a en tout cas pas été saisie par le gouvernement, mais nul doute que les révélations du Canard vont lever de nouvelles questions sur l'identité de la personne qui aurait pu "être éclaboussée". Reste qu'une information judiciaire a été ouverte le 29 avril 2016, après deux ans d'enquête préliminaire, pour faire le point sur des soupçons de "blanchiment de fraude fiscale", concernant l'argent dissimulé en Suisse par l'ancien Premier ministre.
Raymond Barre : une fortune considérable
Ses nouvelles affirmations laissent imaginer que le patrimoine de Raymond Barre était bien plus important qu'il n'y paraissait. En prenant en compte sa résidence de Saint-Jean-Cap-Ferrat, ses avoirs boursiers et ses comptes en France, Raymond Barre disposait d'un patrimoine net évalué à plus de 13 millions d'euros, avant son décès en 2007 des suites d'un malaise cardiaque. Un patrimoine, et notamment une villa, dont les membres de sa famille ont hérité.
Raymond Barre avait pourtant l'image d'un homme strict lorsqu'il était au gouvernement de Valérie Giscard d'Estaing. Cependant, malgré son côté orthodoxe en matière de finances publiques, un article de Libération de 1999 évoquait déjà sa résidence villa à Saint-Jean-Cap-Ferrat, son attrait pour "les avions, les voyages et les grands de ce monde" et plus globalement son train de vie et un attrait apparent pour le luxe.
Raymond Barre : biographie express
Originaire de Saint-Denis à La Réunion, Raymond Barre est né en avril 1923 dans une famille de négociants. Il quitte l'île de l'océan indien pour la métropole après son bac, où il poursuit des études à Sciences Po. Après avoir hésité à intégrer l'ENA, Raymond Barre choisit de passer les agrégations de droit et de sciences économiques. Il d'abord effectue des missions à l'Institut des Hautes Études de Tunis pendant avant de rejoindre la Faculté de Caen, tout en travaillant sur son manuel d'économie, surnommé "le Barre".
En 1959, le ministre de l’Économie et des Finances Jean-Marcel Jeanneney, membre de son jury d'agrégation, lui propose un poste de directeur de cabinet. C'est son entrée en politique. L'économiste prône déjà à l'époque l'austérité . Le Général de Gaulle lui confie une nouvelle mission à la Commission européenne en 1967 en temps que vice-président de l'institution et responsable des affaires économiques. Il deviendra l'un des artisans fondateurs de la politique économique et monétaire commune européenne. Il rencontre Valérie Giscard d'Estaing à la même époque, alors qu'il est encore ministre des Finances. Raymond Barre devient ministre du Commerce extérieur en 1976 puis, six mois plus tard Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing après le départ de Jacques Chirac. Raymond Barre applique après le choc pétrolier de 1973 une politique économique de rigueur. Le "plan Barre" , assez impopulaire, sera probablement une des raisons de la défaire de Valéry Giscard d'Estaing pour sa réélection. Raymond Barre sera malgré tout le dernier chef de gouvernement à avoir laissé un budget en équilibre.
Apparenté centriste mais refusant de s'engager dans un parti, Raymond Barre est élu député du Rhône à partir de 1978. Il se présente à l'élection présidentielle de 1988 mais ne passe pas le premier tour malgré avoir obtenu 16% des voix. Il est finalement élu maire de Lyon bien plus tard, en 1995. En 2001, à 77 ans, Raymond Barre renonce à un nouveau mandat. Il mourra plus tard, en 2007, des suites d'un malaise cardiaque.
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